9h du matin... J'avais l'impression d'avoir une casquette en béton sur le crane. Et une sacrée envie de gerber aussi... Ce qui expliquait sûrement le fait que je sois levé aussi tôt. J'avais relégué mon costume au placard depuis pas mal de jour et avais vidé trois quatre bouteilles pour compenser le manque d'adrénaline...

Une sale manie que j'avais repris... L'alcool. Mais je ne gérais plus... Je ne savais plus quoi faire de ma vie depuis mon combat avec la pouf aux cheveux blanc... Je n'était pas capable de venger Shado, je n'avais pas le cran qu'il fallait. Et à côté de types comme Martian Manhunter je me sentais vraiment minable. Pas parce qu'il pouvait voler ou faire des trucs incroyable. Non : parce que c'était un mec bien.
Tous ces types, Robin, l'extraterrestre : tous m'avaient dis des choses bien... Des choses que j'aurais dû méditer. Mais Oliver Queen ne sais pas se remettre en question... Ne veut pas, en fait. J'ai bu, bu... Jusqu'à ce que toutes leurs paroles s'effacent de ma mémoire... Pour un temps du moins. Car lorsque l'effet de l'ivresse s'estompait, leurs paroles me revenaient peu à peu... Alors je reprenais un verre.

Je sentais quelque chose remonter mes boyaux... Encore un peu engourdi je me dirigeais vers les toilettes.

Délivrance...

Je tirai la chasse, contemplant mon reflet distordu dans l'eau... Je n'y voyais qu'un pauvre type. Un mec paumé qui se déguisait en Robin des bois, partant à la recherche d'adrénaline pour oublier... Pour oublier quoi en fait ? L'alcool aussi effaçait ça semblait-il...

Mais plus les heures passaient, plus je me vidais de ma substance et plus les souvenirs refaisaient surface :un garçon seul sur une île déserte pleurant la mort de ses amis... Le même garçon, quelques années plus tard, contemplant son amie, son mentor se faire descendre d'une balle dans la tête.

Cependant, je voyais autre chose... Un peu plus tard... le même homme encore. Sa posture était noble, son regard décidé. Mais cette grandeur il ne la tirait que d'une chose : la vengeance. Mais lorsqu'il la tenait enfin... Il la laissa filer. Dès lors, quelle raison avait t-il de vivre, d'exister ? Qu'est ce qui pouvait le motiver à continuer une croisade qu'il n'était pas capable de mener jusqu'au bout ? Des réponses lui apparaissent, à chaque fois :

Citation :

- Mais ça veut pas dire que tu peux la laisser en paix. Considère ça comme un message, un avertissement. Le signe que tu vas la traquer et la mettre à terre.

Citation :

- Je remercie de m'avoir apporté ton aide ce soir, car sans toi, je n'aurais sans doute pas réussi à les arrêter. Continue à aider les gens, mais pense aussi que, si pour toi, c'est une joie de combattre le crime, dit-toi que ceux qui le subissent ne sont pas du même avis que toi.

Moi un héros... Ah ! Connerie. Je ne veux pas me lancer dans une croisade contre des types plus fort et plus nombreux que moi.

Mais je ne voulais par réfléchir à toutes ces salades. Mieux valait retourner au lit, de toute façon vu ma gueule de bois, pas question de sortir.

Je me remettais tout doucement de la journée hier. Pour l'instant je ne voulais plus toucher à une goutte d'alcool. Je m'étais mis à l'eau gazeuse. J'avais déliré à peu près toute la journée d'hier, plus la nuit qui avait été agitée... Tout ça pour en revenir sans arrêt au même problème : je ne savais pas quoi faire de ma vie.
Encore quelques mois comme ça et j'étais mûr pour la psychanalyse.

C'est ça... Plutôt crever que d'aller chez un de ces charlatans. De toute façon, ils étaient souvent aussi dérangés que leurs patients. Et puis que pouvais-je lui raconter ? "Bonjour, je m'appelle Oliver Queen, je me déguise en Robin des bois de temps en temps pour aller tabasser du criminel, mais au fond je sais pas trop à quoi ça sert de faire tout ça...".
Naaaaaaaaaaan.

En allant me chercher des fringues propres, je contemplais le costume, accroché sur un cintre. Je devrais peut être lui trouver une cache plus secrète tout de même... Ce qui me faisait penser que je devais trouver un moyen d'améliorer un peu tout ça sur le plan technique. Bon vrai que du coup je n'en voyais plus trop l’intérêt mais au moins ça m'occuperait. Mais autant être réaliste : même avec internet et la meilleur volonté du monde, je n'étais pas en mesure de faire mieux qu'une flèche gant de boxe...
Pas le meilleur gadget pour neutraliser mes ennemis.

Munis d'un annuaire en ligne, je commençai à chercher tous les bricolos et autres "inventeurs" possibles... Mais je ne jouais pas tellement de chance sur ce coup là. Soit ils étaient débordés (comprendre : la flemme de bosser les trois-quarts du temps) soit ils commençaient à poser des questions gênantes. Au bout du rouleau, je tentais un dernier appel...

- Atelier Fyff à l'appareil... Je peux vous aider ?

- Oui, Michael King à l'appareil je cherche un technicien en mesure de réaliser une commande assez spéciale... Je ne paye qu'en cash.

Nom d'emprunt, pas de détails plus précis que ça et paiement en liquide. Je ne voulais pas qu'on remonte jusqu'à Oliver Queen.

- Il va falloir être un peu plus précis mon gars si vous voulez...

- Rien au téléphone. Un rendez-vous demain dans votre atelier à l'heure que vous voulez. Je paye 2000$ par commande honorée, à vous de voir...

- 2000 cash ?! Sérieux ?!

- Vous avez bien compris. Alors ?

- Demain 14h. Vous avez déjà tout ce qu'il faut pour trouver je suppose ?

- Bien vu monsieur Fyff... À demain donc.

À tous les coups, ce type m'avait pris pour un espion ou un agent de la CIA... Que sais-je encore. Mais bon la promesse d'une paye bien juteuse l'avait décidé. J'aurais dû faire comme ça bien avant. En général ces mecs étaient fauchés, il suffisait donc de trouver les bons arguments...

Petit changement par rapport à d'habitude, j'avais mis mon réveil. Petit soucis : je m'étais rendormis. J'émergeais de nouveau... à 13h30 ! Pas le temps de lambiner, je sautai dans un jean et saisi au passage mon arc et mes flèches que je mis à l'emporte pièce dans une mallette. Par chance, je réussis à attraper un taxi presque quasi-instantanément en sortant de chez moi... Mais quelle plaie tout de même. Je devais m'acheter un véhicule, ras-le-bol des taxis et des transports en commun. Mais chaque chose en son temps.

J'arrivais chez le bricolo à 14h10. J'étais presque à l'heure... Lunette de soleil sur le nez (histoire d'être sûr et certain de préserver mon anonymat) j'appuyai sur la sonnette de "l'atelier". Un type négligé et en léger surpoids vint m'ouvrir.

- Henry Fyff ?

- Ouah... Pour un peu j'ai cru que vous alliez me dire "Sarah Connor".

Humour de geek typique... Mais la référence était plutôt pas mal trouvée, et involontairement, vrai qu'il y avait de ça. Fyff m'invita à rentrer avant de se décapsuler une bière et de se poser sur une chaise.

- Vous aimez le mystère monsieur King, et c'est le moins qu'on puisse dire. Que puis-je pour vous donc ?

J'ouvrais la mallette, révélant son contenu tout en le désignant à mon interlocuteur :

- Je suis un... passionné de tir à l'arc. Mais je recherche des exercices un peu plus originaux que de tirer de bêtes flèches sur une cible. Vous voyez ce que je veux dire ? Des trucs plus excitants...

- Oui en gros. Même si je ne vois pas...

Fyff s'interrompu soudainement, comme s'il avait eu une idée soudaine.

- Hmmmm... En fait j'ai peut-être un truc pour vous. Ne bougez pas, je vais bricoler un ça... Prenez vous une bière, et faîtes comme chez vous.

Suivant, le conseil de Fyff, j'attendis patiemment pendant une heure avant que celui-ci ne ressorte de son atelier, excité comme une puce... Au moins il y mettait de l'enthousiasme.

- Venez voir, ça devrait vous plaire !

Je pénétrais dans la pièce découvrant enfin la salle de travail de Fyff : un gigantesque atelier jonché d'outils divers, de pièces détachées et de matériel électronique. Il me mena alors vers son établi me désignant une de mes flèches qu'il avait apparemment modifié. Mais comment ?

- Bon, vous voyez cette plaque en bois là-bas ? Et bien faîtes vous plaisir, tirez !

Plutôt perplexe, je m’exécutais conformément aux consignes du technicien... Je bandais mon arc, tirant la flèche en plein dans la palette... Qui explosa en éclat dans une détonation sourde. Pas mal du tout !!

- Pas possible ! Comment vous avez fait ça ?!

- Un simple capteur de contact relié à la pointe de la flèche. Lorsque celle ci percute un objet avec une certaine pression, un mini compte à rebours de 2 secondes démarre... Passé ce délai, la charge explose. Est-ce que ça vous convient ?

Autant être honnête, ce type de gadget ouvrait une foule de possibilité. Vendu !

- Je marche. 1000 dollars d'avance tout de suite et je vous paye le reste une fois que vous m'en aurez fait une cinquantaine.

- C'est une sacrée quantité... Mais une sacrée bonne somme aussi. Je rentre largement dans mes frais. Faisons comme ça.

- Je passerai chercher la première tournée vendredi. Faîtes en un maximum.

- Très bien... À vendredi alors.

Je quittais l'atelier de Fyff, plutôt satisfait... Ces flèches déchiraient bon sang !!!

Je m'étais promis d'en finir définitivement avec les transports en commun : chose promise, chose due. Je sortis de chez moi et pris (pour la dernière fois j'espérais) le taxi qui m'emmènerait dans une concession automobile. Mais en chemin, je choisis de m'arrêter devant un petit concessionnaire de moto dont la vitrine m'avait tapé dans l’œil. Je poussais la porte du magasin, déclenchant alors une petite sonnerie électronique qui fit sortir le propriétaire de son arrière boutique :

- Bonjour monsieur, que puis-je pour vous ?

- Bonjour l'ami ! Voilà je cherche une moto... Un truc qui pousse bien vous voyez.

- Je vois, une sportive donc ?

- Oui exact, un modèle urbain, solide et qui tienne la route... Le prix m'importe peu.

- Bien, venez donc avec moi je vais vous montrer ce que nous avons en boutique...

Il me montra alors une série de deux-roues assez sympathiques mais qui ne m'emballèrent pas vraiment... C'étaient de bonnes machines mais le coup de cœur n'était pas là.

- Alors qu'en dîtes vous ?

- Eh bien je ne sais pas... Ce sont indéniablement de  très bon deux-roues mais...

- Pas la petite étincelle, hein ?

- Voilà tout à fait !

- Dans ce cas venez donc avec moi, j'ai peut être quelque chose qui pourrait vous plaire...

Il me mena dans l'arrière boutique, qui se révélait être une sorte de garage. Dedans, des modèles de collection de tous les âges et de tous les styles : chopper, sportives japonaises et américaines... Le paradis pour un amateur de moto. Il s'avança vers ce qui semblait être une moto recouvert par une bâche, ôtant celle-ci d'un coup sec.


- Mon fils s'est viandé avec y'a 6 mois et ne veut plus en entendre parler. Je l'ai remise en état mais depuis elle me reste sur les bras et je ne sais pas quoi en faire...

Elle était magnifique... Mais la gueule ça ne faisait pas tout.

- Hmmm je vois... Et qu'est-ce qu'elle a dans le ventre ?

- Moteur 4 cylindres, 806 cm³ pour 106 chevaux et un système de freinage à disque. Un vrai monstre...

- Eh bien je l'avoue... Elle en jette vraiment. Combien en demandez-vous ?

- Je la vend au prix du neuf, 9000$. Elle n'a quasiment par roulée et elle est comme neuve. Je vous fais une garantie dessus si vous voulez.

- Difficile de refuser une si belle offre...  Très bien je vous la prend. Un paiement par carte vous conviendra ?

- Bien sûr ! Venez donc avec moi, on va finaliser la vente...

Une heure plus tard, je repartais avec mon bolide flambant neuf, fonçant comme un dingue sur les grands axes ! Pas question de ne pas étrenner ce magnifique engin... Ça changeait du taxi bon dieu !

Le téléphone sonna à 10h du matin, me tirant du lit au passage...

- King ?

- C'est vous Fyff ? Vous êtes bien matinal...

- Matinal ? à 10h ? Bref. J'ai votre commande, en entier... Avec un petit extra en plus.

- Très bien... Je passerai cet après-midi.

- À votre guise... Bonne nuit alors.

Après une bonne partie de l'après midi passée à lézarder, je décidais de passer chez Fyff vers 15h. Libéré des contraintes liés aux transports en commun, j'enfourchais  ma moto avec un plaisir non dissimulé avant de foncer à vive allure jusqu'à l'atelier de Fyff. J'arrivais finalement devant sa porte, toujours "grimé" de la même façon : lunettes de soleil sur le nez. Fyff vint finalement m'ouvrir, toujours avec le même air nonchalant.

- Ah c'est vous ! Suivez-moi.

Il me mena dans son atelier, qui avait quelque peu "changé" si on pouvait dire...

- Ne faîtes pas attention au désordre... J'ai dû me bricoler un truc pour votre commande. N'étant pas une machine il ne m'était pas pas possible de faire une cinquantaine de flèche en peu de temps ou sans y passer ma vie...

Il s'avança vers une sorte de plan de travail sur lequel se trouvaient des machines.

- ... J'ai donc bricolé à partir de bric à brac et de mes connaissances en programmation d'automates des machines capables de faire le boulot à ma place. Ça m'a pris du temps vu le travail de précision que c'est pour bricoler chaque pièce des automates et pour programmer le processus d'assemblage, mais une fois parti...

Il me désigna alors une caisse contenant une centaine de flèches du même type que le prototype qu'il m'avait montré.

- Impressionnant... Combien y'en a t-il ?

- Une centaine.

- Bien... Je suppose que ça vaut un petit supplément.

Je lui tendais alors une liasse de 2000 $ tandis que son visage s'illumina.

- Je crois que cette semaine va rentrer dans mon guiness des records perso dans la catégorie "la semaine la plus lucrative de ma vie"... J'ai "divisé" votre carquois en deux, ça vous permettra de trier les flèches normales des explosives.

- Bien pensé, mieux vaut éviter de les confondre en effet. Dans ce cas je vais vous laisser... Je risque certainement de refaire appel à vous par la suite.

- Pas de problème ! pour des sommes pareilles c'est quand vous voulez... Et puis ça me change des grilles-pains de grand-mère à réparer.

Je quittai l'atelier de Fyff, priant bien fort pour ne pas être contrôlé sur le chemin par les forces de l'ordre... J'aurais eu beaucoup de mal à leur expliquer comment un civil pouvait se trimbaler avec une si grande quantité de matériel militaire.